Béatrice Lortet
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La pratique plastique est à mon sens liée aux questions de l’activité et de sa mise en œuvre. L’expérimentation d’outils et de matériaux ainsi que le travail dans son quotidien et sa durée sont le cœur de ma recherche. Ce qui m’anime est la production d’un vocabulaire formel, d’un matériel esthétique qui pourra prendre forme à un moment donné, pour un temps donné et dans un contexte précis. Il s’agit donc de produire un vocabulaire formel puis de le mettre en œuvre, c’est à dire le faire devenir proposition.

 Le multiple, la variation ou la digression sont des outils et deviennent des moyens permettant la dialectique entre l’objet fini et sa construction elle-même. L’ aspect sériel intervient comme un processus méthodologique indiquant la nature des gestes opérés. Ce type de raisonnement, ou même de contrainte, mènent à l’élaboration des images et permettent de résoudre paradoxes et apories liés à la construction de ces images. Chacune des parties de la série est un objet à part entière autant q’un fragment faisant appel à la somme des objets. Celui-ci renvoie ainsi tant à sa genèse qu’à son environnement. La série propose un aller retour constant entre le prototype et son résultat De cette manière, chaque travail peut se développer ou se condenser, se réduire et se reconduire afin de s’ouvrir vers de nouveaux potentiels.

Les images sont issues principalement de deux sources. D’une part, un travail photographique, et d’autre part un travail de dessin de trames. La photo peut être redessinée autant que la trame numérisée. Chaque image est un potentiel plan d’une autre. Les couches s’associent ou se dissocient afin de se construire comme objet. Les différents plans sont répétés, rejoués, réinventés. Les juxtapositions proposent ici tant la mutiplicité des possibles que l’épuisement de l’image par les bruits et trames. Les paramètres de cadrages, marges et formats liés aux contraintes de l’impression numérique prennent place dans le rapport et l’organisation des plans entre eux, amenant des décisions d’ordre formel.

Le paysage se construit, se fabrique, se déploie, se développe…Couches et feuilles picturales y sont mis en espace par la juxtaposition de différentes surfaces. Ces images sont ensuite elles-mêmes mises en espace sur différents plans. Se produisent ainsi des allers-retours et résonnances entre l’espace de l’image et l’espace qu’elle habite.

L’interchangeabilité des éléments leur donne une sorte d’instabilité. Il s’agit de trouver un équilibre, un point de tension qui permet à l’objet d’exister ici et maintenant, tout en induisant tant sa temporalité précaire que ses potentiels multiples.

Les images sont des paysages. Contemplatives, opaques, transparentes. Zooms, cadrages, découpes, filtres. C’est à travers l’écran et dans un rapport presque cinématographique et séquencé que le travail se donne à voir. La mise au point se situe tant dans l’image que dans les ellipses.